Park Chan Wook rend à nouveau hommage à Hitchcock dans un paysage de jardin zen
Il était évident que Park Chan-Wook finirait par faire son propre Vertigo. Comme il le répète souvent dans ses interviews, c’est en voyant ce film que lui est venue sa vocation de réalisateur. Decision to leave en reprend les éléments de base : un enquêteur troublé par la femme qu’il prend en filature, et des hauteurs vertigineuses.
Contrairement à son précédent thriller hitchcockien, Stoker, ce dernier est bien un film coréen, mais n’a finalement de coréen que son casting et son cadre. Au propre comme au figuré : quand ce ne sont pas des plans d’intérieur jouant avec les cadres comme chez Ozu, ce sont des vues extérieures de montages embrumées tout droit sorties d’une peinture sur soie du XVIIe siècle.
Mais loin de la crudité de beaucoup de films du pays du Matin calme, comme chez Hitchcock, le suspense est souvent ludique, avec des touches d’humour ou des effets de zoom au rendu vintage. Alors que les précédents films du réalisateur sont réputés pour leur violence physique et émotionnelle, à leur paroxysme dans Old Boy, Decision to Leave et ses personnages font dans la retenue, très peu sanglants. C’est lors d’une scène de découpe de poisson qu’on y voit le plus d’hémoglobine !
En fait, l’enquête policière passe rapidement au second plan, derrière la fascination qu’exerce la suspecte sur le protagoniste, qu’il sait malsaine. Une relation qui rappelle celle mise en scène dans Thirst, à laquelle Park Chan-Wook ajoute une intrigue à tiroirs. Affaire classée ? Réouverte ? Reclassée ? On ne sait pas exactement où va se terminer l’histoire, ni quand d’ailleurs : le réalisateur fait du montage parallèle entre présent et flashbacks dont on ne saisit la nature que plus tard… Sauf quand c’est l’inspecteur lui-même qui entend l’histoire être racontée, ou la reconstitue. Il est alors plongé dans la scène qu’il visualise à la manière d’un témoin fantôme, par un subtil jeu de transitions parfaitement maîtrisées.
Sans atteindre la virtuosité de Mademoiselle, Decision to leave fait ainsi la synthèse de la filmographie de Park Chan-Wook, savant dosage entre passions dangereuses à la Hitchcock, temporalité éclatée et cadrage millimétré dans des décors zen à la Ozu. Et puis surtout, un art de la mise en scène qui n’est plus à prouver et n’a pas usurpé sa récompense cannoise.